Self Reparenting
Actualité en Analyse Transactionnelle
Avril 1993, Vol.17, N°66
Restructurer le Parent organisationnel
Les réflexions que je propose dans cet article se fondent sur une approche “clinique” du développement organisationnel (1), en ce sens que le modèle utilisé pour aborder l’entreprise n’est plus celui d’une machine, mais celui d’une ’personne’, ce qui oriente la démarche vers le changement et le progrès plutôt que vers des analyses descriptives. L’A.T. constitue de ce point de vue une théorie de la ’personnalité’ de l’entreprise, considérée non plus seulement comme la résultante du vécu du groupe, mais surtout comme l’intégration, douée de consistance propre, d’un ’Parent’, d’un ’Adulte’ et d’un Enfant’ ; l’A.T. permet sur cette base un traitement systémique par l’autoanalyse de l’organisation. Je me propose de présenter dans cette perspective la ’restructuration du Parent organisationnel’, ou ‘auto-parentage des organisations’ (2), en tant que processus favorisant leur évolution en les amenant à prendre conscience de leurs vécus profonds, analogues à des sentiments, à les prendre en compte et à les utiliser pour leur propre croissance.
Un exemple : le lancement d’un nouveau produit suscite tout d’abord une phase d’enthousiasme ; vient ensuite une attention minutieuse aux besoins du consommateur et «la disponibilité à remettre en cause la nature du produit et son utilité, et même la façon d’organiser au mieux le système organisationnel qui le lance, le fabrique et le commercialise» (3), comme le représente la figure 1. Dans cette perspective, l’objectif premier d’une entreprise dépasse la simple amélioration technologique du produit : il s’agit de créer pour les clients une valeur nouvelle qui corresponde à leurs besoins.
Un autre objectif de cet article est de ‘former’ les intervenants, si l’on peut ainsi s’exprimer, pour qu’ils aient les capacités et le courage d’utiliser l’A.T. comme un instrument de diagnostic et de pronostic de l’évolution organisationnelle, et non plus seulement comme un outil de compréhension et d’amélioration des interactions groupales.
L’état du moi Parent dans l’organisation
Identité de l’organisation et présupposés de base
Le dictionnaire d’Oxford définit l’identité comme «la qualité ou la condition d’être toujours le même ; l’aspect essentiel et absolu du fait d’être soi-même ; l’unicité»” (4). L’identité est donc unicité, mais l’A.T. nous apprend qu’elle est toujours en changement et en évolution. L’organisation, comme l’ètre humain, est en évolution et en autogenèse permanente ; sa culture est l’expression externe d’une énergie intérieure, l’expression de ce que Edgar Schein appelle les ’présupposés de base’ (5), c’est-à-dire les réactions assimilées par le groupe en vue de survivre dans son milieu externe et de surmonter les problèmes internes d’intégration.
D’après les spécialistes, la culture de l’entreprise se reflète dans les comportements des personnes qui la composent, dans ses valeurs dominantes, dans la philosophie qui guide sa politique, dans ses règles, dans son atmosphère ambiante. On ne peut toutefois réduire son essence à la somme de tous ces paramètres : elle se situe à un niveau plus profond, celui précisément des ’présupposés de base’. Mon hypothèse est que la culture de l’entreprise s’exprime à travers les règles (P2), les stratégies (A2) et l’enthousiasme (E2), même si ces éléments ne sont que des représentants de cette culture.
Pour comprendre ce qu’est fondamentalement la ’personnalité’ d’une entreprise, il est utile de prendre en compte le modèle structural de deuxième ordre. Je ne considérerai ici que l’état du moi Parent. Nous trouvons en P2 les idéologies, les symboles et les discours ; en A3 les affirmations concernant la réalité qui ont été jadis considérées comme vraies ; et en E3 les mythes et les perceptions de l’Enfant des personnages parentaux ayant joué un rôle dans le passé de l’organisation.
Cette analyse du ’Parent’ permet de comprendre et d’examiner les présupposés de base, c’est-à-dire «les valeurs qui n’ont pas été mises en question et qui se sont transformées, soit en convictions et en idées auxquelles on fait automatiquement référence, soit en habitudes inconscientes» (6). L’avantage de l’A.T. est de considérer ces présupposés non comme des entités abstraites, mais comme des comportements clairs et observables. On retrouve par ailleurs dans cette notion celle de “compulsion de répétition”, nécessaire au premier chef pour comprendre l’évolution d’une entreprise.
L’entreprise est liée au milieu dans lequel elle évolue. Elle prend dans celui-ci les repères qui lui permettent de se reconnaître comme ’l’entreprise Alpha’ ou ’l’entreprise Gamma’ ; elle s’y adapte parce qu’il répond à son besoin d’attachement, sans lequel aucune identité ne peut se construire, il en découle que le scénario de l’entreprise est une adaptation qui s’exprime par un comportement visant son identité.
Exemples
Nous pouvons illustrer ces notions transactionnelles par l’exemple de la Jones Company, que Schein (7) présente dans son ouvrage. Jones, immigrant issu d’une famille de petits commerçants, fonde une chaîne importante de supermarchés. C’est un homme qui vend à crédit et accepte toujours d’échanger la marchandise, faisant montre ainsi d’une grande confiance envers ses clients ; il croit à la valeur de la compétition entre les personnes, enseigne à son personnel la manière dont il veut qu’il se comporte et blâme ses subordonnés lorsqu’ils enireignent les règles et les principes établis. La culture, ou si l’on veut la ’personnalité’ de l’entreprise, s’identifie au départ à celle de son fondateur ; les valeurs et les convictions personnelles de celui-ci sont transmises et véhiculées par les mythes, les légendes et les récits concernant l’histoire de la firme à ses débuts, et l’organisation évolue dans un esprit d’adaptation et d’attachement à cette figure fondatrice.
Après la mort de Jones, l’entreprise traverse une longue période de crise intellectuelle. Il n’est plus là, et la plupart des autres personnes qui occupent une position dans la culture du groupe ne sont guère tournées vers la pensée : différents leaders, provenant de l’extérieur aussi bien que de l’intérieur, s’avèrent incapables de la guider.
Comme on le voit, la question est mal posée : dans une telle entreprise, il ne s’agit pas tant de trouver un leader aussi brillant que le fondateur historique, mais d’effectuer un véritable ’auto-parentage’, une restructuration du Parent organisationnel, qui garantisse le maintien de ce qui fonctionnait dans l’ancienne culture tout en y insérant des variables nouvelles.
Au fur et a mesure que l’entreprise évolue se développe un système de valeurs qui lui est propre, un ’Parent’ autonome qui ne se réduit pas aux convictions du fondateur, mais intègre de manière continue le vécu du groupe et son histoire, comme on peut le voir, par exemple, dans le matériel de formation, les cassettes vidéo, les dépliants et les opuscules visant à communiquer au personnel les orientations de la firme. Le début d‘une organisation ne peut donc s’expliquer uniquement par l’identification à une personne, fondateur, leader ou autre. Le processus est bien plus complexe ; il s’enracine dans la confrontation inconsciente entre ses qualités propres et le modèle lui-même, dont la validité est admise. A partir des comportements et des vécus phénoménologiques liés au modèle externe du fondateur, l’organisation se forge en elle-même un modèle autoprotecteur et normatif à partir duquel elle appréhendera et classera les données, et où se mélangent les aspects cognitifs et émotionnels. Berne parle à ce propos de ’système extéropsychique’ ou de ’Parent’.
Dans son analyse de la culture d’entreprise, Schein affirme qu’il ne s’agit pas de consolider des modèles de sens déjà répandus, mais de détruire ceux qui existent et d’y substituer des modèles nouveaux : «il est nécessaire d’agir au niveau de l’inconscient et du vécu profond de l’entreprise pour l’aider à repartir sur le fondement des valeurs qui lui sont propres» (9). L’A.T. ne soutient pas un tel radicalisme : pour que l’entreprise puisse ‘aller bien’, il ne s’agit pas tant d’en éliminer le ’Parent’ que de l’aider à reprendre possession d’autres parties d’elle-même. En effet, et ce sera ma conclusion, le ’Parent’ de l’entreprise est une fonction destinée à en protéger l’identité ; cette fonction a un sens intérieur et s’exprime par un comportement.
Sortir de son scénario ou en élargir les limites est aussi naturel pour les entreprises que pour les êtres humains. Toute crise de croissance met en question l’identité précédente de l’entreprise et constitue une stimulation pour une croissance ou un approfondissement dans ce domaine. D’autre part, si tout choix nouveau et tout changement accroissent le nombre de virtualités différentes qui s’y inscrivent, ils impliquent aussi le refus de certaines manières d’être antérieures.
Certaines transformations des présupposés de base concernent le caractère national d’un produit. Si nous prenons une carte économique et que nous y examinons les frontières des états, nous constatons que, contrairement à une carte géographique, celles-ci ne sont plus nettement définies : on parle d’économie interconnectée. Les ramifications des activités financières et industrielles font que l’impact d’un produit, quel qu’il soit, est plus large que n’importe quelles frontières nationales. Comment définir aujourd’hui la nationalité d’un produit Sony ? : la firme possède des établissements en Alabama et envoie des cassettes audio et vidéo en Europe. Le terme ’extérieur’, dans le sens d’étranger, n’a désormais plus de sens. La globalité des stratégies amène les entreprises à ne plus cultiver uniquement leur propre jardin, par exemple en ’dissimulant’ les technologies nouvelles à la concurrence,
tout en conservant leur sentiment d’appartenance et d’attachement à la maison mère.
Finalement, accepter d’être soi-mème sur un mode plus large, plus global, plus pointu, signifie toujours choisir un élément pour renoncer à un autre. Il s’agit de donner à l’entreprise la permission de se dépasser elle-même, de quitter l’adaptation aux procédures bien connues, non pas pour les perdre, mais pour en préserver les aspects positifs et utiles.
Au sein d’une organisation, l’accent est mis souvent sur les aspects qui lui permettent de s’identifier, et ce sont eux qui occupent le plus d’espace. Lorsqu’on a fait une découverte, on ne la lâche plus et on a l’impression que l’opposé est dangereux. Or, “Je ne puis aller bien que si…” indique que l’on est dans une position de survie, nécessairement limitative. La perspective saine et novatrice qui, dans une entreprise, permet de faire face à une situation, quelle qu’elle soit, reconnaît que l’on peut admettre et faire en même temps deux choses opposées, mêler le blanc’ et le ’noir’. Cette démarche dialectique implique certes le risque existentiel de tomber dans le chaos et de ne plus savoir qui on est. C’est justement pour cela que l’entreprise ne peut ’redécider’ que si elle a changé son ’Parent’ : cette figure nouvelle lui donne la force de changer les stratégies, de choisir de nouveaux itinéraires et peut-être de s’attaquer au Parent’ précédent. ’L’Enfant’ et ’l’Adulte’ utilisent leur intuition et leur connaissance des probabilités pour s’orienter vers des choix corrects et pour prouver qu’ils le sont.
– Le piano à queue. Les teintes noires et blanches du paragraphe précédent me suggèrent l’image d’un grand piano à queue noir… La firme Yamaha, facteur bien connu de pianos, est tentée d’abandonner ce secteur parce que les gens n’ont plus le temps, la passion ou les moyens d’acquérir ce produit. Améliorer la qualité des pianos à queue n’augmenterait pas les ventes, et la concurrence coréenne offre des prix moins élevés. Que fait l’entreprise ? Elle réussit à mettre au point une combinaison sophistiquée de technologies digitales et optiques pour enregistrer et reproduire n’importe quel son à l’aide du même genre de ’disque mou’ de trois pouces et demi que celui qu’on emploie sur un ordinateur personnel. Cela signifie en pratique qu’on peut enregistrer en direct les concerts des pianistes célèbres, mais aussi que tout flûtiste, par exemple, peut demander à un pianiste de l’accompagner, enregistrer cet accompagnement et l’utiliser pour jouer ou répéter le morceau en son absence. Voici le commentaire de K. Ohmae : «Yamaha est sorti des chemins battus : la firme ne s’est pas lancée tête baissée dans la diminution des coûts, la multiplication des modèles, la réduction des frais généraux; elle a jeté un regard neuf sur la possibilité de créer de la valeur à partir des millions de pianos existant déjà sur le marché» (10) ; en d’autres termes, elle a décidé de jouer sur les touches blanches et sur les touches noires. Les ventes ont augmenté mais aussi, et c’est le plus important, la firme a élargi son ’identité’ et son scénario.
Yamaha n’est pas la seule firme à avoir besoin d’une ’restructuration du ‘Parent’ ; ceci, je le répète, ne signifie pas rejeter l’ancien ’Parent’, mais y intégrer des éléments neufs. Adopter un nouveau ‘Parent’ n’amène pas ipso facto des révolutions et des changements radicaux ; la démarche peut aboutir tout aussi bien à reprendre les schémas et les règles de l’ancien ’Parent’, mais après confrontation. D’ailleurs, il est impossible de mettre au goût du jour ou d’éliminer la figure des anciens leaders dans le ’Parent’, puisqu’elle provient de personnages historiques, mais il est possible de ’restructurer le Parent’ par ’l’auto-parentage’ de l’organisation.
Pour cela, il est nécessaire que les managers comprennent la nécessité du processus ; or, ils ont tendance à s’habituer au status quo ou à établir des positions orthodoxes nouvelles en faisant obstacle au processus de croissance naturelle de l’entreprise. ’Restructurer le Parent’ n’est possible que si ’l’Adulte’ fonctionne bien et est exempt de contaminations. Le diagnostic des ’états du moi’ n’est valide que si le ’sujet’, en l’occurrence l’entreprise, s’y reconnaît et réagit consciemment. C’est en se refaisant un ’Parent’, en se donnant à nouveau des lois, une philosophie, une mission, que l’organisation peut se protéger et poursuivre sa croissance. Si par contre elle décide à partir de ’l’Enfant’, si par exemple elle se laisse entraîner exclusivement par les cours de formation ou par les produits à la mode, le succès sera de courte durée : l’ancien ’Parent’ restera puissant et aux aguets.
Pour intervenir au niveau de la culture de l’entreprise, il importe de dégager l’Adulte de celle-ci avant toute proposition concrète. Il est vrai que ce travail est fatiguant et délicat, que le consultant y perdra peut-être sa ’magie’ et qu’il sera amené à travailler sur son propre Contretransfert plus encore que sur le ’transfert’ de l’organisation. Le risque est grand, toutefois, de proposer d’excellents cours de formation, éventuellement par l’A.T., sans former simultanément l’entreprise en utilisant l’A.T. à ce niveau. Il est nécessaire de saisir le sens qu’une intervention de formation revêt dans le cadre du cheminement de l’entreprise. Le plus important, ce n’est pas que celle-ci résolve la situation pour laquelle elle consulte, mais qu’elle se refasse un ’Parent’. Bien entendu, on ne peut ignorer sans plus la problématique mise en avant par l’organisation : le consultant préoccupé d’analyser la culture de l’entreprise perçoit le problème sous-jacent à la demande et doit s’occuper des deux niveaux.
Sans l’analyse de la culture, le cours de formation n’est qu’un nouveau masque, et les comportements qu’il entraîne ne sont que des adaptations par lesquelles l’Enfant de l’entreprise ’fait plaisir’ à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.
Hypothèses d’intervention
En s’inspirant de la technique schiffienne du reparentage (11), l’intervenant selon le modèle ’clinique’ s’engage par contrat à se substituer au ’Parent’ de l’entreprise et à lui fournir des options nouvelles et positives à la place des messages restrictifs reçus des fondateurs historiques. Un tel processus peut créer une symbiose entre l’intervenant extérieur et l’organisation ; sa mise en oeuvre exige que le consultant en ait conscience et sache qu’il devra par la suite travailler à la résoudre.
L’auto-parentage est à la fois :
– un processus évolutif autonome et physiologique ;
– une adaptation et un apprentissage en relation avec le milieu et avec soi-même ;
– un processus thérapeutique ; au niveau des groupes cela signifie que le changement, bien qu’étant essentiellement déterminé par le groupe lui-même, résulte en même temps de l’activité et des interactions des personnes à l’intérieur et à l’extérieur de lui.
Selon Muriel James (12), la démarche de l’auto-parentage comporte sept étapes. Dans les entreprises, où l’on travaille avec le personnel de différents niveaux, les méthodologies varient, mais les principes généraux demeurent.
En premier lieu, il est nécessaire que l’entreprise ait conscience de la nécessité d’un nouveau ‘Parent’ qui s’intégrera avec l’ancien.
On peut synthétiser en quelques questions les informations que le consultant devra recueillir ; il utilisera pour ce faire la méthode qui lui paraît la plus adéquate :
«- A quoi ressemble l’entreprise idéale ?
– Comment seraient les dirigeants idéaux ?
– En quoi l’entreprise serait-elle différente si elle avait eu des leaders idéaux ?
– Comment pourrait-on procéder pour y introduire ces nouveaux leaders, autrement dit pour construire ce nouveau Parent ?
– Quelles sont les améliorations souhaitées dans l’entreprise ?
– Qu’est-il nécessaire de faire pour qu’elles deviennent réalité ?
– Quels sont les résultats positifs de l’ancien leadership ?
– Quels en sont les résultats négatifs ?
– Quelles sont les caractéristiques du fondateur qui ne sont plus de mise aujourd’hui ?
– Quelles sont celles qui demeurent utiles ? »
A ce point, il importe d’aider l’entreprise a établir un diagnostic comportemental, social, historique et phénoménologique de son ’Parent’. Pour les trois premiers aspects, on peut utiliser l’égogramme (13) : on demande à différents groupes de travail de tracer, non pas leur propre égogramme, mais celui de l’entreprise. Pour l’expert, le risque est de se laisser aller, moitié par hasard et moitié par zèle, à proposer au personnel des diagnostics non prévus dans la démarche, en oubliant que son véritable client est l’organisation. Quant au diagnostic phénoménologique, il implique en thérapie un retour à une scène d’enfance. En entreprise, on ne peut bien sûr demander au personnel de la décrire ou de la dessiner telles qu’il l’ont vécue lorsqu’ils avaient un ou cinq ans, mais on peut inviter les participants à imaginer qu’ils sont assis en face du fondateur ou d’autres personnages parentaux, ou à retourner à une scène du passé et à dire ce qu’ils n’ont pu dire alors. Il importe de se souvenir, comme je l’ai déjà souligné, que ce travail n’a pas pour objet les sentiments du personnel ou ses relations avec les dirigeants. Il ne s’agit pas de proposer, par exemple : «Dis à ton chef combien tu es en colère parce qu’il refuse ton augmentation», mais bien : «Reviens à cette réunion où l’on a décidé tels ou tels objectifs, stratégies ou méthodologies ; repense-les, reformule-les, et donne à l’entreprise de nouvelles options», ou encore: «Que ferais-tu aujourd’hui à propos de cette décision d’entamer cette campagne publicitaire ?».
A l’étape suivante, on propose des groupes de travail en vue de s’informer du sens, de l’évolution et des styles différents de leadership (14) : hypercritique, hyperprotecteur, incohérent, contradictoire, etc… En somme, on analyse synthétiquement la fonction parentale à l’intérieur de l’entreprise: en quoi le rôle de leader s’est-il modifié, que signifie aujourd’hui être un dirigeant, à quoi sert le manager, quels sont ses objectifs et ses foncüons?
Une autre démarche importante vise à découvrir les besoins, les attentes et la ‘magie’ de ’l’Enfant’ de l’entreprise. Pour cela, il est efficace de rechercher et d’étudier les mythes, les métaphores et les formules magiques’ qui y ont cours.
On passe ensuite aux procédures de validation des données. En une ou plusieurs séances, on examine et on évalules informations reçues par ’I’Adulte’, les attentes de ’l’Enfant’, les exigences oue les critiques de l’ancien ’Parent’.
Ce n’est qu’alors que l’on définit les contrats. C’est le moment de discuter et d’adopter les projets concernant d’éventuelles formations ; à ce point de la démarche, ils seront ciblés, clairs et adéquats.
Finalement, le consultant aide l’entreprise dans le processus de cristallisation du ’Parent’. Dans cette phase, il est indiqué d’utiliser les trois états du moi et d’être préparé à agir en consultant. Le changement conduit à ce que Berne appelle “autonomie”(15) ; en entreprise, on parle de “qualité totale”.
Au cours de ces différentes étapes, le travail se personnalise et se réinvente sans cesse en fonction de l’atmosphère de l’entreprise où l’on travaille ; pour faciliter la circulation des informations entre le personnel et le consultant externe, on peut avoir recours à des questionnaires, des interviews, des groupes de travail ou des rencontres.
Je n’utilise pas la ”restructuration du Parent’ au début de l’analyse, mais seuiement lorsque ’l’Adulte’ de l’organisation est moins contaminé et fonctionne correctement. En général, le problème mis en avant par l’entreprise provient de son Enfant Adapté ; c’est pourquoi mon premier objectif est de faire en sorte que l’Adulte soit informé. Lorsque celui-ci est contaminé, l’organisation aborde les problèmes avec une foule de préjugés et tente de perpétuer une tradition d’ores et déjà dépassée. Travailler avec la ’restructuration du Parent’ ne signifie pas ignorer l’Enfant mais au contraire mettre en place un nouveau ’Parent’ qui favorise et approuve sa croissance : lors des décisions futures, l’’Enfant’ comptera ainsi dans le ’Parent’ et ’l’Adulte’ deux alliés forts et favorables au changement.
Je crois que la mission de l’expert consiste à travailler avec le personnel de l’entreprise en vue de le rendre conscient de ses propres choix ; il ne s’agit pas de résoudre leurs problèmes, mais de mettre à leur disposition une grille de lecture qui leur permettra éventuellement de redécouvrir sur un mode autonome les solutions qui existent déjà dans l’organisation (16).
Conclusions
Le déroulement et les effets du processus de ’restructuration du Parent’ dans l’organisation sont remarquables. Certaines des transformations nécessaires portent sur l’idée de nationalité, qui évolue vers une vision globale, et sur les convictions idéologiques, auxquelles se substituent graduellement des critères d’utilité. Dans les nouvelles entreprises, les énergies ne sont plus tant dirigées contre la concurrence que vers la recherche de valeurs nouvelles pour le client. Plutôt que d’abandonner un secteur considéré comme ’mort’, on tendre dans cette optique à repenser le produit. Les critères qui font autorité sont constitués par l’enchevêtrement des différents canaux de communication. On en vient finalement à déterminer une éthique collective, et non pas seulement une juxtaposition de morales individuelles.
Traduit et reproduit avec autorisation de la Rivista Italiana di Analisi Transazionale e Metadologie Psicoterapeutiche, 12, 22, juin 1992, pp. 98-105 : «ll self-reparenting nelle organizzazioni».
REFERENCES
1 . SCHEIN, E., Sviluppo organizzativo e metodo
clinico, Guerini, 1989.
2. JAMES, M., Self-reparenting: Theory and
process. T.A.J., 4, 3, 1974, pp. 32-39. Trad.fr.z
A.A. T., 8, 29, pp. 5-11. C.A.T., 4, pp. 122-128.
3. OHMAE, K., Il mondo senza confini. Il Sole 24
Ore, 1991.
4. Oxford Shorter Dictionnary, Oxford.
5. SCHEIN, E., Cultura d’azienda e leadership,
Guerini, 1990.
6. ibid.
7. ibid.
8. BERNE, E., Transactional analysis in psycho-
therapy, New York, Grove Press, 1961
Trad.fr.: Analyse transactionnelle et
psychothérapie, Paris, Payot, 1975.
9. SCHEIN, E., op.cit. (N.1).
10. OHMAE, K., op.cit. (N3).
11. SCHIFF, J., SCHIFF, A., MELLOH, K., SCHIFF,
E., SCHIFF, S., RICHMAN, D., FISHMAN, J.,
WOLTZ, L., FISHMAN, C., et MOMB, D.,
Cathexis reader: Transactional analysis treat-
ment of psychosis, New York, Harper & Row,
1975.
12. JAMES, M., op.cit. (N.2).
18. DUSAY, J., Egograms and the constancy hypo-
thesis. T.A.J., 2, 3, 1972, pp. 37-41. Trad.fr.:
A.A.T., 2, 5, pp. 3-9. C.A.T., 1, pp. 35-39.
14. DAGOSTINO, L., Cuftura d’azienda e leader-
ship: une lettura secondo l’A.T. Actes du
Congrès Italien d’A. T., 1991.
15. BERNE, E., 1964: Games people play, New
York, Grove Press, 1964. Trad.fr.: Des jeux et
des hommes, Paris, Stock, 1975.
16. Cfr aussi LEVITT, T., Pensare il management, Il sole 24 Ore, 1991.